Selon l’enquête de l’Office Fédéral de la Statistique de 2012, près de 20% des personnes en activité de plus de 25 ans ont le sentiment d’être de plus en plus vidées émotionnellement dans leur travail ; une même proportion dit souffrir en permanence de stress au travail. Ce sont des données non négligeables qui devraient alerter autorités, employeurs et travailleurs.
L’épuisement au travail, souvent appelé burn out, présente un faisceau de symptômes, qui peuvent être classés selon 3 axes : épuisement (physique et mental), dépersonnalisation et diminution de l’efficacité professionnelle[1]. Les symptômes classiques sont par exemple une fatigue intense, une perte de mémoire, de la démotivation, de l’anxiété, des douleurs physiques et une baisse d’empathie. Le burn out est en général diagnostiqué lorsque la personne est mise en arrêt de travail. Or il est précédé d’une phase de burn in. Ce terme qualifie toute la période où la personne est encore active mais est déjà « dans le rouge ».
Tabler sur la prévention individuelle et institutionnelle
Actuellement, la prise en charge des personnes commence quand il y a burn out : médecins, psychologues, coaches, spécialistes des RH sont sollicités pour aider la personne à remonter la pente et à réintégrer le poste de travail. C’est en général difficile, douloureux et couteux, tant sur le plan humain que sur le plan économique. En sus de la souffrance de la personne et de ses proches, la perte de savoir-faire et une absence prolongée ont une incidence réelle sur la santé économique des entreprises. Et c’est sans compter les coûts de santé publique énormes encourus.
Osons développer une approche plus pragmatique ! Avec deux postulats : un focus sur le burn in et une responsabilisation des acteurs.
En identifiant à temps les prémisses d’une situation d’épuisement, l’entreprise pourrait éviter une perte non négligeable d’efficacité. Il faudrait pour cela développer des outils de pilotage incluant une évaluation de la motivation du personnel, une gestion des taux de présence (outre la gestion de l’absentéisme, pour identifier ceux qui travail trop), le feedback 360, etc. En parallèle, des formations pour les managers devraient être mises en place afin d’augmenter leur capacité de détection. Et pourquoi pas, inclure dans l’évaluation de la performance d’une équipe un malus au burn out !
Les acteurs devraient également se responsabiliser d’avantage. A titre d’exemple, les entreprises devraient systématiquement diffuser une information générale sur les situations et symptômes d’un éventuel épuisement professionnel, avec témoignages à l’appui. En parallèle, ce thème devrait faire l’objet d’une campagne de santé publique, vu l’importance des enjeux en découlant sur les coûts de la santé et de l’assurance invalidité. Mais surtout, les travailleurs devraient se responsabiliser d’avantage. En effet, chaque personne doit être en mesure d’évaluer ce qui se passe, tout comme lorsque l’on a de la fièvre, on utilise un thermomètre. Dans l’épuisement, un des outils simple et utile, voire même salvateur, c’est l’écoute de son corps.
Selon mon expérience de praticienne, une piste essentielle est d’apprendre à écouter son corps. En burn in comme en burn out, le corps émet des signaux importants. C’est donc un excellent outil de « prise de température ». En phase de prévention, il faut s’assurer qu’une activité physique quotidienne est pratiquée. En mode détection, observer s’il y a eu une baisse de l’activité physique, une apparition de douleurs, de difficultés physiques, de sommeil difficile. La douleur est un système d’alarme : l’étouffer à coup de médicaments ou de « ce n’est pas grave » équivaut à pratiquer la stratégie de l’autruche. En prenant conscience de ces maux et en les explorant, il est possible d’avoir un impact sur l’évolution du processus d’épuisement. Reprendre une activité physique régulière, identifier les situations dans lesquelles les douleurs apparaissent, prendre de la perspective sur son emploi du temps : ces actions sont des actes de prévention, oh combien plus efficace qu’une intervention externe ! Quand on a un coup de soleil, on évite l’exposition prolongée et on met de l’écran total. Pourquoi ne pas développer la même philosophie avec l’épuisement ?
[1] Josse E., sur http://www.resilience-psy.com